Coronavirus. Doit-on à nouveau confiner au Cameroun ?
C’est l’une des grandes questions de l’heure (avec le testing massif et la décentralisation), au moment où le pays qui connait un nombre sans cesse croissant de nouveaux cas confirmés va atteindre le pic entre ce jour et le 15 juin 2020.
L’épidémie de Coronavirus progresse au Cameroun. « Le nombre de personnes contaminés s’accroit jour après jour et il devient difficile de nommer les communautés qui n’ont pas enregistré de victimes », a confirmé le Dr Georges Alain Etoundi Mballa, Directeur de la lutte contre la Maladie, les Epidémies et Pandémies eu Minsanté, au cours du point de presse du 8 juin 2020. C’est qu’entre le 1er mai et le 8 juin 2020, le pays a enregistré 6235 nouveaux cas. L’on est ainsi passé de 2077 à 8312 cas confirmés. Soit une moyenne 164 nouvelles personnes testées positives par jour.
Pourtant, entre le 1er et le 31 mai 2020, le nombre cumulé desdits nouveaux cas confirmés était de 4066, passant ainsi de 2077 à 6143 cas. Soit une moyenne de 131 nouveaux cas confirmés par jour. « Il y a bien sûr plus de nouveaux cas confirmés. On en a assurément plus dans la communauté, qui ne sont pas traité ou qui vont être diagnostiqués tardivement », confirmait sur le plateau de Scènes de presse à la télévision nationale, le Pr Eugène Sobngwi, vice-président du Conseil Scientifique des Urgences de santé publique au ministère de la Santé.
En effet, « Ne nous y trompons pas. Cette histoire est grave. Les cas confirmés que nous avons, ce n’est que la face visible de l’iceberg», indique celui qui est par ailleurs conseiller médical à l’hôpital Central de Yaoundé. En réalité, les statistiques officielles (qui présentent quelques fois des incohérences comme les 4 et 5 juin dernier) sont bien loin de la réalité. Car avec seulement 33 811 tests, le Cameroun a encore de faibles capacités de testing (Or, à en croire les épidémiologistes, le dépistage est un moyen efficace et sûr contre le virus mortel).
Plaidoyer pour un re-confinement
Pour le Pr Sobngwi donc, dans la mesure où « L’indiscipline va produire une hausse des cas, il faut freiner les nouvelles contaminations ». Ce d’autant plus que le Cameroun atteindra le pic de l’épidémie entre ce jour (10) et le 15 juin 2020 (il va durer deux semaines d’après le ministre de la Santé publique). Certains dans le milieu médical soutiennent de ce fait qu’il faut un nouveau confinement, plus strict que le précédent.
« Si nous avons confiner avant d’avoir un nombre important de cas alors nous devons le faire au vue de l’explosion des cas comme nous montre les chiffres et les modélisations », plaide le Pr Yap Boum, épidémiologiste et Directeur d’Epicentre Afrique (Médecins sans frontières). En effet, « Il est temps qu’on fasse quelque chose et ce quelque chose c’est soit réguler le flux des personnes qui arrive à l’hôpital et ça s’appelle le confinement total », soutient le Pr Sobngwi.
Prescriptions de confinement
En fait, le relâchement dans les mesures restrictives a été interprété comme une victoire du Cameroun sur le virus mortel. « Cette compréhension comme une victoire sur la maladie est entrain de produire ses effets. C’est pourquoi il faut un sursaut et on ne va pas l’attendre patiemment. Il va falloir l’impulser», argue le directeur médical de l’HCY. Aujourd’hui donc que le confinement semble de nouveau à l’ordre du jour, la question centrale est qui confine-t-on et comment ?
Certains épidémiologistes ont d’ores et déjà des indications. « Confiner les personnes les plus à risque de développer des formes graves ou mourir de Covid (personnes âgées, diabétiques, hypertendus) », argumente le Pr Yap Boum. Pour lui, il faut également « fermer les bars comme précédemment, rendre véritablement obligatoire le port du masque en milieu public tout en donnant les moments aux populations les plus démunies de s’en procurer ».
Mais surtout, il faut « protéger nos personnels de santé au plus bas de la pyramide sanitaire afin qu’ils soient capables en toute sécurité de faire le tri entre patients Covid qu’ils pourront isoler le temps du transfert vers les structures agréées et les non Covid qu’ils prendront en charge. C’est un défi majeur qui demande un leadership à la hauteur de la complexité de l’épidémie », précise l’épidémiologiste.
Synergie d’actions
Le Pr Eugène Sobngwi pour sa part, plaide pour une synergie d’actions. A cet effet, « Il est temps pour chaque acteur social de faire fonctionner encore la question des mesures barrières. Ce serait absolument dramatique de mettre dès à présent une pression sur l’hôpital », dit-il. En d’autres termes, chaque citoyen camerounais doit jouer sa partition, dans la riposte contre cette pandémie.
« Nous devons engager notre communauté à respecter les règles d’hygiènes. Le gouvernement a la responsabilité d’intensifier la sensibilisation dans ce sens, ainsi que donner les moyens de faire monter en puissance nos capacités de réponse à tous les niveaux de la pyramide sanitaire tout en protégeant les plus à risque et les personnels de santé », argumente le Directeur Afrique d’Epicentre.
En outre, l’éducation des populations, le port obligatoire du masque, la limitation des élèves dans les classes et les marchés, les tests de dépistage et les soins à domicile, sont les maitres mots, tel que l’énumère un spécialiste de Santé publique pour qui l’option du re-confinement n’est plus indiquée.
Tests de dépistage
Autre grande problématique de l’heure, la question des tests de dépistage massif. « Il serait avantageux qu’on teste plus pour pouvoir diagnostiquer plus précocement les cas et bien sûr les traiter à la phase où il est facile de les traiter. Lorsqu’on traite on évite qu’il contamine », explique le Pr Sobngwi. Et ce dernier de poursuivre : « Si vous nous donnez aujourd’hui 100 000 mille tests on vous dira on en veut le double au moins. Vous nous en donnez 200 000 mille on vous dira on en veut le double au moins pour pouvoir contrôler cette épidémie ». Parce que, « Lorsqu’on regarde la carte des pays qui testent, on se dit c’est perfectible. Il nous faut des tests », martèle le conseiller médical.
En guise de réponse, Manaouda Malachie a annoncé le 3 juin dernier via son compte Twitter, que « le gouvernement vient d’acquérir 100 000 test rapides antigènes en plus des 45 000 tests moléculaires ». Quoi qu’il en soit, « il va falloir mettre à contribution toute la pyramide sanitaire pour faire face à l’afflux des nouveaux cas de manière à endiguer l’épidémie », soutient le vice-président du Conseil scientifique. En rappel, au 9 juin, le Cameroun enregistrait 8681 cas confirmés et 215 décès.