Contraception. La pilule masculine est « amère » au Cameroun

(Lurgentiste.com)– Les conclusions du mini sondage réalisé auprès de la gent masculine sont sans équivoques. Les hommes au Cameroun dans une importante majorité, ne sont pas prêts à utiliser la pilule contraceptive masculine. Aux yeux de beaucoup, c’est entre autres, une « Mauvaise blague » ; « abomination »; « inacceptable »; « du satanisme pur » ; « une pratique contraire à notre culture »; « une féminisation programmée de l’homme ». L’indignation est presque collective au sein de toutes les couches et strates de la société, à la seule question de savoir si des hommes seraient prêts à prendre la pilule masculine. « La fertilité masculine est un devoir », affirme un médecin en service au Minsanté. A sa suite, un enseignant d’université ajoute : « Je trouve cette idée superfétatoire et sans objet. Annihiler l’efficacité du spermatozoïde, c’est renier sa nature d’homme ».

Comme lui, certains y sont radicalement opposés, pour plusieurs raisons. D’abord, parce que les questions de contraception sont uniquement du ressort de la femme. « Traditionnellement, c’est la femme qui prend des contraceptifs qui tuent les spermatozoïdes dans son corps. Il est mieux que cela reste ainsi, au lieu de les tuer à la source, au risque de les tuer définitivement », avance un journaliste. En effet, « La contraception est au féminin c’est-à-dire une histoire de femme. Il serait de bon ton de laisser les homes en dehors », soutient son confrère. Ensuite, une autre frange n’en voit pas l’utilité pour les hommes tandis que d’autres enfin, ont peur du caractère nouveau et donc, risqué de la méthode. « C’est nouveau pour nous, c’est un peu comme un saut vers l’inconnu ».

Par conséquent, « Je ne serai pas prêt à la prendre au cas où c’est autorisé », dit un autre. D’ailleurs, « Il ne devrait pas avoir une pilule pour hommes. C’est une atteinte à la procréation, une façon de nous obliger à limiter les naissances et un grave danger pour la fertilité masculine », soutient un autre. Pour ce dernier, « La pilule devrait rester une affaire de femmes. Encore que même dans ce cas, elle n’est pas sans danger et est à l’origine des myomes et autres maladies chez nos épouses ». Si ce dernier reconnaît que la methode « répond de la limitation de naissance encouragée ces derniers temps par les programmes de santé du système des nations unies sous le vocable du dividende démographique », il émet certaines réserves quand à ses conséquences au rang desquelles «  l’infidélité des hommes ». De plus, selon « notre culture, la première richesse est la ressource humaine provenant de la procréation ».

Pratique contre nature

Au milieu de ces cris d’orfraie, s’élèvent les voix des ultra-conservateurs. Eux, convoquent le caractère « aberrant » et « pas nécessaire » de cette méthode contraceptive au masculin. C’est que, « La contraception est une pratique contre-nature à laquelle l’humanité a souscrit par le biais de l’évolution de la science. Elle a peut-être sa place dans certains contextes. Mais l’extension vers laquelle cette idée tend implique la fin de l’humanité », argumente un autre. Plusieurs y voient une volonté de « l’Occident », de contrôler les naissances en Afrique. « Les occidentaux craignent de nos jours la force démographique qui vient de l’Afrique. C’est beaucoup dire ».

Par ailleurs, « En tenant compte du nombre de femmes, on a besoin que la semence soit grande pour que la moisson continue. Les hommes n’ont cessé d’être une grande richesse pour nous», ajoute un homme de Dieu. Petite lueur d’espoir mais alors très faible. Une infime minorité serait prête à l’utiliser, mais dans des cas précis.  « Si la pilule protège des IST, VIH, hépatites virales et autres, j’accepterai volontiers de la prendre », fait savoir le médecin sus-évoqué. Les « adeptes de la limitation des naissances » n’y voient eux, aucun inconvénient à son usage car, « elle va beaucoup nous aider dans ce sens ». De même, « On pourrait aussi tout de même se dire que si la femme utilise les pilules, pourquoi l’homme ne pourrait pas le faire ? Pourquoi ce n’est que la femme qui devrait utiliser les pilules contraceptives ? », interroge un psychologue.

Question sensible

Lequel reconnaît tout de même qu’« Il s’agit là d’une question sensible. Dans l’absolu, rien n’est totalement mauvais. Pour moi, s’il est démontré que cette pilule n’agit que sur la mobilité des spermatozoïdes et non sur la testostérone , pas de soucis. Par contre, si ça réduit la testostérone et qu’il y a des risques de cancer  ou de féminisation de l’homme, c’est pas bon pour nous». De fait, « En toute chose,les Africains devraient développer une pensée ou vision en fonction de nos réalités socioculturelles ou économiques”, conseille le psychologue. Mais tout de même, “On devrait toujours tout de même se demander quel est l’objectif visé ou l’idéologie derrière cette pilule? »

Au regard de la vive aversion que le sujet provoque, pour une avocate, « Il faut aborder le problème de la contraception masculine sous l’angle du portefeuille (qui n’exclut en rien le point de vue de la santé) ». A ce moment et « Au-delà de la protection contre les maladies sexuellement transmissibles et le souci de parenté responsable, les hommes se sentiraient plus concernés ». Le moins que l’on puisse dire, c’est que le sujet est sensible et déchaine les passions, au moment où se célèbre la journée mondiale de la contraception ce jour sous le thème : « Le pouvoir des choix ».

Selon les experts en santé de reproduction et scientifiques, la pilule contraceptive masculine devrait se prendre juste avant un rapport sexuel pour réduire temporairement la fertilité. Il suffirait d’avaler une pilule avant d’avoir un rapport sexuel pour voir la mobilité des spermatozoïdes suffisamment réduite pour éviter la fécondation. La molécule en question s’appelle adénylate cyclase soluble. Elle a fonctionné à 99% sur les souris qui ont servi de cobayes. Mais, il faudra encore attendre trois ans avant qu’il soit testé sur des humains. Elle éviterait de faire reposer la charge du choix de la méthode contraceptive uniquement sur les femmes. Lesquelles doivent déjà composer avec les nombreux inconvénients de celles qui leur sont propres.

 

 

Olive Atangana

Journaliste diplômée de l'École supérieure des sciences et techniques de l'information et de communication (Esstic) au Cameroun. Passionnée et spécialisée des questions de santé publique et épidémiologie. Ambassadrice de la lutte contre le paludisme au Cameroun, pour le compte des médias. Etudiante en master professionnel, sur la Communication en Santé et environnement. Membre de plusieurs associations de Santé et Politique, dont la Fédération mondiale des journalistes scientifiques (WFSJ) et le Club des journalistes politiques du Cameroun (Club Po). Très active sur mes comptes Tweeter et Facebook.

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