Cameroun. Le paludisme coûte cher aux ménages

Olive Atangana
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Cette maladie est responsable de 40 % de leurs dépenses de santé.

Bernadette Ngo Ndjock est internée à l’hôpital régional de Ngaoundéré depuis le 20 avril 2019 au soir. Elle souffre du paludisme simple. Perfusions, médicaments et factures sont donc au menu de cette hospitalisation. « Le traitement coûte cher. En ce moment, je suis déjà au moins à 60 000 FCfa de dépenses pour les médicaments, l’hospitalisation, etc. Souvent, quand je souffre du palu, mes dépenses peuvent être évaluées à 30 000 Fcfa », révèle cette habitante de Ngaoundéré. Elle n’est d’ailleurs pas la seule à souffrir de cette facture salée des coûts liés au traitement du paludisme au Cameroun. En effet, un petit sondage réalisé auprès de certains ménages laisse transparaître la dure réalité des factures.  « Je dépense minimum 30 000 Fcfa au minimum, lorsque l’un de mes enfants est malade. Consultations, examens et remèdes. Sans hospitalisation. Mais le traitement de mon époux récemment a coûte moins», relate un cadre d’une structure de la place. A sa suite Béatrice égraine le même chapelet de plaintes sur le plan financier. « Pour mes enfants, consultation, examens et médicaments ne me prennent pas moins de 40 000 Fcfa par enfant », dit-elle. « Et parfois à l’hôpital, quand tu y vas on veut seulement te mettre sous perfusions. C’était le cas dernièrement avec ma fille. Après le TDR (Test de diagnostic rapide : Ndlr), on lui a fait prendre trois perfusions et toute la facture nous a coûté 16 000 Fcfa. Et depuis, j’opte pour le traitement traditionnel. Il est plus efficace et l’enfant ne fait pas de rechutes avant de nombreux mois. On mélange plusieurs écorces pour obtenir un résultat final », informe une autre maman de retour d’un court séjour à l’hôpital, à cause du paludisme.

Au Cameroun, cette maladie est responsable de 40% des dépenses de santé des ménages. Pourtant, selon un médecin en service à l’Extrême-Nord, le paludisme a un protocole national selon qu’il soit simple ou grave. « Chez les enfants de moins de cinq ans, c’est gratuit. Chez les adultes, ça dépend de la molécule utilisée. Le prix de la quinine par exemple, est différent de celui de l’arthémether », explique ce dernier. Son confrère également en service à Maroua précise que le coût varie entre 3000 et 10 000 Fcfa selon les molécules utilisées, pour le traitement du paludisme simple chez les adultes. « Pour le paludisme grave, cela nécessite une hospitalisation en fonction du critère de gravité très variable selon le malade, le standing, la molécule utilisée, le traitement de la complication…», fait-il savoir.

Courbe ascendante

D’après le Programme national de lutte contre le paludisme (PNLP), c’est l’endémie la plus répandue au Cameroun, avec une courbe ascendante depuis quelques années. En 2018, elle a été responsable de deux millions de cas enregistrés, de 3263 décès dans les formations sanitaires, (61% chez les enfants de moins 5 ans). En 2017 et 2016, ces décès étaient respectivement de 3195 et 2639 dans notre pays. Le taux de prévalence lui, est passé de 33,3% (EIP 2011) à 24% (EDS, 2018). La morbidité hospitalière est de 25,9% tandis que la mortalité de 14,6%.  La maladie représente ainsi, de « lourds impact socio-économiques avec plusieurs jours d’absence dans les lieux de service, en milieu scolaire et représentant une proportion importante dans les dépenses des ménages », regrette-t-on au PNLP. Première cause de morbidité et de mortalité dans les groupes les plus vulnérables, à savoir les enfants de moins de cinq ans et les femmes enceintes, il est aussi la cause de 26 % des absences en milieu professionnel. Les statistiques sanitaires révèlent qu’il est responsable de 35 à 40 % du total des décès dans les formations sanitaires ; de 40 à 45 % des consultations médicales et 46 % des hospitalisations en 2018. Soit une légère augmentation par rapport à 2017. Cette année-là, il a été la cause de 24,3 % de consultations dans les formations sanitaires ; 31,8 % de consultations chez les enfants de moins de 5 ans ; 45 % des hospitalisations ; et 12,8% des décès enregistrés dans les formations sanitaires. Pis, 41% de la population n’a pas dormi sous une Milda en 2018.

D’où le Thème : « Zéro palu! Je m’engage » retenu pour la célébration ce 25 avril 2019, de la 12è journée mondiale du paludisme. Une campagne inclusive selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), « qui vise à faire en sorte que le paludisme reste une priorité politique, à mobiliser les ressources supplémentaires et à donner aux communautés des moyens de s’approprier la prévention et la prise en charge de la maladie ». L’organisme onusien fait le triste constat d’une stagnation des progrès. Dans son dernier rapport sur le paludisme dans le monde, l’OMS soutien qu’aucun progrès significatif n’a été enregistré en matière de réduction de paludisme entre 2015 et 2017. Au plan mondial, on estime à 435 000 le nombre de décès dus au paludisme en 2017.  « Les pertes humaines dus au paludisme sont inacceptables. Avec nos partenaires, nous devons placer la barre plus haut pour accélérer l’innovation, intensifier nos efforts pour reprendre le chemin vers la fin des épidémies et protéger des millions de familles », précise Peter Sands, directeur exécutif du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Au Cameroun, les objectifs du plan stratégique 2019 à 2023 de la lutte contre le paludisme sont de réduire d’au moins 60%, la mortalité et la morbidité liée au paludisme par rapport à la situation de 2015. « Il est urgent d’agir pour relancer l’action mondiale contre le paludisme, et c’est au pays les plus touchés par cette maladie qu’il appartient de s’approprier ce défi », argue l’OMS.

 

COMPRENDRE

  • Paludisme simple: Frissons, maux de tête, courbatures, douleurs articulaires, douleurs abdominales chez l’enfant, troubles digestifs (perte d’appétit, diarrhée, nausées, vomissements).
  • Paludisme grave: Trouble de la conscience, convulsion, fatigue extrême, détresse respiratoire, déshydratation sévère, vomissements répétés, anémie sévère, hypoglycémie, Ictère, saignement anormaux, urines noires ou « coca cola », urines rares ou absentes, acidose clinique, température élevée.
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Journaliste diplômée de l'École supérieure des sciences et techniques de l'information et de communication (Esstic) au Cameroun. Passionnée et spécialisée des questions de santé publique et épidémiologie. Ambassadrice de la lutte contre le paludisme au Cameroun, pour le compte des médias. Etudiante en master professionnel, sur la Communication en Santé et environnement. Membre de plusieurs associations de Santé et Politique, dont la Fédération mondiale des journalistes scientifiques (WFSJ) et le Club des journalistes politiques du Cameroun (Club Po). Très active sur mes comptes Tweeter et Facebook.
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