Cameroun. Ce que la Charte du patient va changer dans les hôpitaux
(Lurgentiste.com)-Le Cameroun veut améliorer la complexe et conflictuelle relation soignant-soigné sur son territoire. Ceci, dans un contexte où les violences envers les patients et sur le personnel soignant sont légions dans nos hôpitaux. Pas mieux donc pour cela qu’une Charte du patient, soutiennent les autorités sanitaires. Elle va comporter « les droits des patients et leurs obligations, également ceux des gardes malades ou personne de confiance », précise une source proche du dossier au ministère de la Santé publique (Minsanté).
Ce document en cours d’élaboration est l’un « des préalables pour construire un système de qualité de soins », soutient une source médicale au Minsanté. Il vise concrètement à réduire les erreurs pouvant survenir pendant la prise en charge du patient et conduire à son décès. Bien plus. Cette charte va d’une part établir les droits fondamentaux et obligations des malades et des familles au sein des formations sanitaires et minimiser d’autre part, les malentendus entre les différentes parties prenantes. « Ce sera un document contractuel à signer entre les usagers et les formations sanitaires », fait savoir notre source au Minsanté.
C’est que, « Les différentes incompréhensions, incidents dont ont été témoins nos formations sanitaires il n’y a pas longtemps sont en grande partie le fruit de l’absence d’un tel dispositif rappelant les droits et obligations des patients et de leurs proches en milieu de soins », affirme Manaouda Malachie, le ministre de la Santé publique.
Consultations « formelles »
Selon ce dernier, les consultations seront menées à cet effet en vue de son élaboration. « Il s’agit en effet de mettre à contribution toutes les intelligences nécessaires afin de disposer d’une charte adaptée à nos différents contextes et acceptés de tous, avec une application optimale », a-t-il déclaré ce 18 septembre à Yaoundé. C’était au cours d’une conférence de presse à l’occasion de la Journée mondiale de la sécurité des patients célébrée hier 17 septembre, sous le thème : « Faire des patients les acteurs de leur propre sécurité ».
Des consultations « formelles », seront faites. Le Minsanté invite d’ores et déjà toute personne intéressée d’apporter ses contributions soit par courrier à déposer dans ses services, soit par voie électronique à l’adresse mail patientsafety.dosts@minsante.cm. « Il est question de recueillir les contributions supplémentaires des citoyens sur ce qu’ils aimeraient y voir figurer dans un premier temps. Ensuite, on soumettra à des associations de patients, ordres professionnels, praticiens pour finaliser notre version finale », explique notre source proche du Minsanté.
D’elle, l’on apprend qu’un draft est déjà disponible au Cameroun. Toutefois, « au cours de la réunion d’experts de l’Organisation mondiale de la santé les 12 et 13 septembre dernier à Genève, nous avons travaillé sur une mouture internationale pouvant servir de base de travail pour le pays », poursuit-elle.
Préalables
Si pour les médecins consultés la Charte du patient a une place indéniable dans le dispositif sanitaire en général et de soins de santé en particulier, certains plaident pour la mise sur pied des préalables. Par exemple, « Il faut un système de santé qui protège déjà le patient et le soignant par son fonctionnement », indique l’un d’eux. Lorsque que cet aspect est réglé, « l’encadrement éthique, déontologique et légal est plus facile à ce moment-là », soutient-il.
D’autres craignent qu’il se pose un problème sur son applicabilité. « Ils ne mettent aucun moyen sur l’applicabilité de tous ces principes. Dans la pratique, les procès pour mal practice n’ont jamais eu lieu au Cameroun. Souvenons-nous de la récente affaire Hilaire Ayissi et de celle plus lointaine Koumatekel… », critique un autre médecin de santé publique.
Par ailleurs, « Les problèmes surviennent dans les hôpitaux parce que les patients doivent payer de leurs poches ; parce que le personnel soignant est démotivé ; parce que les hôpitaux sont en tension c’est-à-dire pas de réactifs, de médicaments, de matériels, d’infrastructures », argumente un autre de ses confrères médecin et directeur d’une formation sanitaire publique. Et ce dernier de conclure : « Tout ceci créé un microclimat psychologique propice à la tension, à l’énervement et à l’escalade ».
1 patient sur 10 violenté
A en croire l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), la sécurité des patients constitue un « impératif étique et moral ». L’agence onusienne « estime qu’un patient sur 10 subit des préjudices dans les établissements de santé et, chaque année, plus de trois millions de décès surviennent dans le monde à la suite de soins non sécurisés ». Or, « La plupart des préjudices causés aux patients sont évitables, et la collaboration des patients, des familles et des aidants est l’une des principales stratégies pour réduire ces préjudices ».
A noter que la Charte du patient décrit les droits fondamentaux de tous les patients dans le contexte de la sécurité des soins de santé, précise l’OMS. A travers elle, le malade a le droit d’accès aux services hospitaliers adéquats à son état ou à sa maladie ; au libre choix du praticien et a le droit de modifier son choix en consultant par exemple un autre praticien pour solliciter un deuxième avis. Elle permet en outre que leurs voix soient entendues et leur droit à des soins de santé protégé. « Il faudra donc leur donner à eux et leurs familles, plus de considération », plaide Manaouda Malachie.