Cameroun. A peine 10% des dons de sang proviennent des donneurs bénévoles et volontaires
Plus de 90% proviennent des familles selon le ministère de la santé publique.
Le sang coule au compte-goutte au Cameroun. En 2019 par exemple, le pays n’a pu collecter que 103 mille 359 poches de sang, sur le minimum de 400 mille qu’il devrait avoir. Soit « à peu près 25,8% de collectes. Ce qui était insuffisant», déplore le Pr Dora Mbanya, directeur général du Centre national de transfusion sanguine du Cameroun (Cnts). En réalité, « Plus de 90% de ces dons de sang proviennent des familles ou des remplacements et à peine 10% des dons de sang des donneurs bénévoles, volontaires et non rémunérés », regrette Manaouda Malachie, ministre de la Santé publique. Conséquence, « En 2020, il y a eu une chute terrible à cause du Covid-19. On enregistre au moins 22 à 40% de chute en ce qui concerne le don de sang et celui des donneurs bénévoles régulier », regrette le Pr Mbanya.
Le constat fait état de ce que les donneurs volontaires et bénévoles sont de plus en plus rares. A l’hôpital de District de Meiganga par exemple, les responsables sanitaires font savoir qu’il n’existe aucun donneur bénévole. C’est que, « Ils demandent au moins 150 mille Fcfa. Conséquence, nous n’avons pas de poches de sang », confie l’un d’eux. Dépité. Son de cloche différent au sein de l’hôpital régional de Ngaoundéré où la banque de sang enregistre une moyenne de 150 donneurs bénévoles et volontaires par mois. Ce qui fait que 3668 poches de sang ont pu être collectées en 2018, 2832 en 2019 et 3531 en 2020.
Avec sa centaine de donneurs bénévoles et des membres de la famille de la personne à transfuser par mois, la banque de Sang de l’hôpital régional de Maroua dans la région de l’Extrême-Nord, n’est pas logée à la bonne enseigne. Autre lieu, l’hôpital Laquintinie de Douala où depuis 2018, le pourcentage de donneurs bénévoles n’atteint pas 2%, d’après le responsable de la banque de sang. « Nous avons quelques volontaires en cas d’urgence, et quelques donneurs aussi mais non répertoriés. Chaque laborantin a ses contacts», fait savoir un responsable d’une formation sanitaire dans le Centre.
Donneur de sang où es-tu ?
Si pour lui cette situation peut se justifier par l’absence d’une banque de sang au sein de cette Fosa, il soutient que le véritable problème réside dans l’absence de la culture du don du sang au Cameroun et d’une politique adéquate en la matière. C’est d’ailleurs l’un des freins recensés dans une étude sociologique réalisée en 2017 par la Société française de transfusion sanguine, en collaboration avec le Programme national de transfusion sanguine (Pnts). En effet, le manque de volonté politique, l’ignorance du public en matière de don de sang et les barrières culturelles et religieuses sont les principaux maux de cet acte.
En fait, « Il y a beaucoup de mythes et de croyances au Cameroun autour du don du sang », explique le Pr Dora Mbanya. Morceaux choisis : «Si je donne mon sang, je vais transmettre des péchés » ; « On va se livrer à des pratiques ésotériques avec mon sang». Dans certaines régions comme à l’Extrême-Nord (qui compte deux banques de sang seulement), les donneurs, réticents, s’appuient sur leurs croyances religieuses pour justifier le refus de ce geste. Sans compter que « près de 20% des poches collectées sont ensuite détruites en raison d’une sérologie positive ».
Autre frein et pas des moindres, le prix d’une poche. Officiellement, il varie entre 18 000Fcfa (avec deux ou trois donneurs) et 30 000Fcfa (sans donneurs). Cependant, ces prix peuvent atteindre 100 000Fcfa par poche en fonction des spécificités du groupe sanguin sollicité. En guise de stratégies, le Cnts dit avoir fait le choix de travailler avec les associations œuvrant pour le don de sang. « Ils collaborent avec nous pour aller auprès de la communauté afin de mieux les sensibiliser. Normalement, ça devrait marcher mais il y a encore du travail à faire », confie à nos confrères de Lejour, le directeur général de ce Centre dont l’organisation et le fonctionnement ont été définis en février 2019 par le Président de la République.
Quoi qu’il en soit, l’un des défis majeurs des officiels de la santé camerounais est la mise en place du système de transfusion sanguine reposant sur les dons bénévoles, volontaires et non rémunérés, a fait savoir le Minsanté. A noter que le Cameroun s’est joint à la communauté internationale le 14 juin dernier pour célébrer la journée mondiale du donner du sang. C’était sous le thème : « Donnez du sang pour faire battre le cœur du monde ». En rappel, la journée mondiale du don du sang a pour objectif de sensibiliser les populations aux enjeux des dons de sang, d’encourager le don du sang et de promouvoir l’importance de cet acte. Elle a été lancée en 2004 par l’OMS.