Alerte. Les produits décapants représentent un danger pour la santé des nourrissons

(Lurgentiste.com)– Hôpital gynéco-obstétrique et pédiatrique de Ngousso le 6 août 2021. Il est 11h et le ciel quelque peu morose est à l’image du climat qui règne au service pédiatrie de cette formation sanitaire. Le Pr Félicité Dongmo, chef de ce service, a le visage grave et est encore sous le choc. Elle vient d’assister au décès « dans d’atroces souffrances », de Germain, un nourrisson de 8 mois. A l’origine de sa mort, un produit décapant appartenant à sa mère que lui a fait ingurgiter sa grand-mère, en lieu et place d’un sirop contre la grippe.

« Nous pensons que l’estomac a été brulé au point où il n’avait pas moyen de secréter quoi que ce soit pour digérer le lait qu’on lui donnait. La plaie chirurgicale n’a jamais guéri. L’enfant a fondu et est mort au bout de près de trois mois après avoir consommé toutes les économies de la famille avec les examens et autres produits qu’on prescrivait : examens, chirurgie, antibiotiques, hospitalisation, etc. C’est un choc pour nous », relate le Pr Dongmo. Triste.

Et pour cause, « Ce n’était pas facile à vivre. C’était choquant. Je l’ai vu mourir sous mes yeux. C’est un enfant qui est arrivé à huit mois et présentait des lésions mais il était très jovial. Nous avons eu espoir qu’au bout. Malheureusement il est mort. Tout ça parce que sa mère a voulu faire le djansang. Cela a couté la vie à son fils de huit mois», poursuit la pédiatre. Révoltée.

En fait, « Le papa a dit à la maman qu’elle n’était pas belle. Pour se faire belle, elle est allée chez la voisine demander le produit avec lequel elle a voulu se décaper. L’enfant a eu un petit rhum banal. Les parents avertis, l’ont amené dans un centre de santé. On a prescrit les médicaments qu’ils ont acheté. La maman a posé à un endroit. N’étant pas là, la grand-mère a pris le produit et a gavé l’enfant croyant que c’était l’un des produits prescrit contre le rhum. Le pire est arrivé », confie le médecin. Dépité.

Le Pr Dongmo, présentant les produits décapants qui provoquent la mort.

Séquelles

Le cas du petit Germain n’est pas isolé. Entre 2019 et 2021, ce service pédiatrie de Hgopy a recensé 22 cas des enfants internés après avoir consommés ces produits décapants. « Le phénomène prend de l’ampleur. Chaque semaine nous avons un cas », informe le Pr Dongmo. Depuis le début de l’année 2021, son service a déjà accueilli huit patients sérieux qui nécessitent la chirurgie. Mais ce n’est pas tout. « Ces enfants vont présenter des séquelles sur le plan de la santé toute leur vie», prévient-elle. Et pour ne rien arranger, la prise en charge est longue, lourde et multiservices : ORL, pédiatrie, Gastro-entérologue, chirurgien infantile, l’infectiologue, le psychologue.

Plus grave, ces enfants vont développer la malnutrition. « Quand il arrive à un stade où la malnutrition s’est installée, il faut leur donner des laits en apport nutritif or ça coûte très cher. Lorsque ces laits ne sont pas disponibles, la malnutrition va s’aggraver, d’autres maladies viendront se greffer et le décès s’en suivra », explique le pédiatre.

C’est que, ces enfants victimes ne peuvent plus s’alimenter normalement. « Nous les nourrissons par sonde et calculons les quantités d’aliments que nous devons leur donner, au millimètre prêt. Même si l’enfant parvient à se rétablir et suivre le traitement prescrit qui marche, dans 15 ans, il va trainer des problèmes de santé toute leur vie et développer des cancers. Ils sont condamnés à vivre avec un handicap à vie si les lésions sont sévères. C’est un problème sérieux », précise le Pr Félicité Dongmo.

Et, « Plus ils durent en hospitalisation, plus ils sont à risque de contracter d’autres maladies. C’est un choc psychologique pour tous ». Par conséquent, « Nous devons faire la guerre aux produits décapants qui tuent nos bébés», soutient le pédiatre. Ce qui passe entre autres par la sensibilisation des parents. Des séances avec les mamans ont régulièrement lieu dans cet hôpital à cet effet. Mais, « Il faut que les mamans cessent de se décaper », conclut-elle.

La jeune équipe du Pr Dongmo pour sensibiliser sur les dangers des produits décapants.

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Olive Atangana

Journaliste diplômée de l'École supérieure des sciences et techniques de l'information et de communication (Esstic) au Cameroun. Passionnée et spécialisée des questions de santé publique et épidémiologie. Ambassadrice de la lutte contre le paludisme au Cameroun, pour le compte des médias. Etudiante en master professionnel, sur la Communication en Santé et environnement. Membre de plusieurs associations de Santé et Politique, dont la Fédération mondiale des journalistes scientifiques (WFSJ) et le Club des journalistes politiques du Cameroun (Club Po). Très active sur mes comptes Tweeter et Facebook.

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