Accès aux postes. La parité homme-femme en décote au Minsanté

(L’urgentiste.com) – Au ministère de la Santé publique, les femmes assistent impuissantes, à leur régression aux postes stratégiques. Pour preuve, le strapontin de Secrétaire général jadis tenu par une femme (Le Pr Koulla-Shiro Sinata) jusqu’à juillet 2020, est aujourd’hui occupé par un homme. Même son de cloche à la Direction de la promotion de santé (DPS). Depuis le décès tragique du Dr Fanné Mahamat le 23 janvier dernier, l’intérim est assuré par un homme. L’hôpital de District de la Cité Verte n’est pas en reste. Le Dr Akamba, ex-directeur de cet hôpital (2016-2020), de regrettée mémoire, a été remplacée par un homme. Situation similaire à l’hôpital Central de Yaoundé. Dirigé par deux femmes entre 2009 et 2012 (Pr Marie Thérèse Abena Ondoua d’avril au 30 juin 2009 et Pr Bella Assumpta du 30 octobre à 2012), est placé sous le commandement d’un homme (Pr Joseph Fouda) depuis 2012.

À l’Association camerounaise des femmes médecins (Acafem), ces remplacements où l’« équilibre de genre » est sacrifié sont mal perçus selon sa présidente, le Pr Anne Njom Nlend. Pourtant de nombreuses femmes ont le profil de l’emploi et sont intègres. Mais pourquoi ne sont-elles pas promues ? À cette question, plusieurs raisons sont avancées. Notamment « le faible réseau relationnel, équilibre régional ou tribalisme, népotisme, etc. ». Certains observateurs pointent également les comportements déviants de certains cadres féminins. « En réalité, beaucoup de femmes se laissent enfermer dans la spirale des promotions canapés. Beaucoup aussi ne sont pas passionnées par ce qu’elles font », critique un médecin, sous-directeur au Minsanté. Pour lui, « les femmes doivent mettre en avant leur compétence. Elles le font rarement», conseille-t-il. Pourtant, « Il y’a des profils très compétents. Mais les hommes qui dirigent nous marginalisent », soutient un cadre au Minsanté. Courroucée.

De manière générale, la parité homme-femme ne semble pas être un objectif prioritaire dans le processus de désignation aux postes dans le secteur de la Santé publique. En effet, les femmes qui constituent 60 % du personnel de santé sont paradoxalement mal loties dans la répartition des postes de haute responsabilité. Elles demeurent marginalisées, exclues des sphères décisionnelles. D’abord au niveau de l’administration centrale du Minsanté, le trio de tête (ministre, secrétaire d’État et secrétaire général) est tenu par trois hommes. Dans les directions, les femmes semblent tout aussi tenues à l’écart. Sur les 8 postes de directeur et 3 postes de chef de divisions qui meublent l’organigramme du Minsanté, seule la Direction des Ressources Financières et Patrimoine est occupée par une femme depuis le 27 septembre 2021.

Trois profils ont fait leur entrée ce même jour, à l’Inspection générale des services pharmaceutiques et des Laboratoires. Deux sont des hommes et l’autre, une femme (Dr Yangrelo Jessica Louise). Elle y retrouve le Dr Kouakap Djinou Ntchana Solange Chantal, IG de ce service. Depuis le 27 septembre, les trois postes de conseillers techniques sont détenus par des cadres masculins. Le poste vacant ayant été confié au Dr Kamga Simo Cyrille. Le poste de Chef de la division de la recherche opérationnelle est occupé par une femme: le Pr Bissek Anne Cécile. Toutefois, « C’est le statu quo au niveau des postes stratégiques de rangs de directeur à l’administration centrale en montant. Nous attendons de voir si les deux postes vacants à la DAJC et la DPS vont être remplacés par des femmes », fait savoir notre cadre précité.

Services déconcentrés

Dans les services déconcentrés, la mise en valeur des compétences des femmes fait également pâle figure. En effet, aucune dame ne trône à la tête d’un hôpital général, (juste un directeur général adjoint à Douala). Pis, dans les 5 hôpitaux Centraux existant au Cameroun (Central de Yaoundé, de Jamot, du Cury, de l’hôpital de référence de Sangmélima et celui Laquintinie de Douala), ce sont les hommes qui tiennent les rênes au détriment des médecins femmes. Les profils féminins semblent également marginalisés dans le choix des directeurs des hôpitaux régionaux et hôpitaux régionaux annexes. À Yaoundé, capitale politique du pays, aucune femme n’est directrice d’un hôpital de District. Les délégations régionales de la santé publique ne font pas mieux. Sur 10 délégués régionaux, seules deux sont des femmes (Centre et Adamaoua).

Timides arrivées féminines…

Seules 2 femmes sur 10 sont à la tête des hôpitaux régionaux (Garoua et Est). Elles ont été nommées en octobre 2021. Au niveau des Centres hospitaliers régionaux (CHR opérationnels), une femme (Garoua) occupe le poste de Directeur contre 3 hommes. Sur un ensemble de 9 programmes de santé recensés, les femmes n’en dirigent que quatre. Il s’agit des programmes nationaux de Lutte contre le paludisme, de Lutte contre la mortalité maternelle et infanto juvénile, de lutte contre la Cécité et de lutte contre le Sida (février 2022). Le Centre national de transfusion sanguine, organe sous tutelle du Minsanté tout comme le Laboratoire national de contrôle de qualité des médicaments et d’expertise (Lanacome), et l’Observatoire national de la Santé publique (ONSP) sont néanmoins tenus par des femmes.

Fort de ces constats, le Pr Ndjom Nlend pense « qu’il faudrait faire davantage ». D’autant plus que « Les femmes méritent d’occuper une place de choix dans notre système. Elles peuvent apporter une contribution conséquente plus que celle qu’elle n’apporte déjà », martèle le Pr Ida Penda, DGA de l’hôpital général de Douala. De plus, « L’avenir est meilleur avec les femmes à chaque table où les décisions sont prises », soutient ONU Femmes. Malheureusement, « On est loin de la parité à ce jour », regrette la présidente de l’Acafem. Surtout qu’au Cameroun, « la marginalisation des femmes prend plusieurs formes : l’invisibilité numérique dans les sphères de pouvoir, la faible mobilité pour celles qui existent aux niveaux stratégiques et confinement à des postes moins stratégiques ou symboliquement marginaux », déplore le Pr Viviane Ondoua Biwole.

Lire aussi :

http://lurgentiste.com/minsante-la-marginalisation-des-femmes-dans-la-sphere-decisionnelle-persiste/

Olive Atangana

Journaliste diplômée de l'École supérieure des sciences et techniques de l'information et de communication (Esstic) au Cameroun. Passionnée et spécialisée des questions de santé publique et épidémiologie. Ambassadrice de la lutte contre le paludisme au Cameroun, pour le compte des médias. Etudiante en master professionnel, sur la Communication en Santé et environnement. Membre de plusieurs associations de Santé et Politique, dont la Fédération mondiale des journalistes scientifiques (WFSJ) et le Club des journalistes politiques du Cameroun (Club Po). Très active sur mes comptes Tweeter et Facebook.

Vous aimerez aussi...

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *